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Précautions à prendre

S’installer en ville

Pour donner un panorama global et légèrement schématique, en ville, il y a les parkings réservés pour les camping-cars, qui sont pratiques quand on a des activités sur place. S’ils peuvent être agréables, et parfois gratuits, dans des villes petites ou moyennes, ils sont quasiment inexistants dans les grandes métropoles où, à moins de trouver un camping assez cher en périphérie, les véhicules aménagés ne sont pas les bienvenus.

S’il est nécessaire d’y aller quand même, il est possible de trouver quelques endroits au calme, par exemple dans des zones résidentielles. L’inconvénient principal reste le bruit, beaucoup plus présent quand nos seuls murs sont une plaque de tôle. C’est surtout le cas quand on dort en bord de route et que les voitures passent à toute vitesse à quelques mètres de notre tête, littéralement.

Sauf contraintes professionnelles en région parisienne, j’évite au maximum. Si je dois passer du temps dans les zones urbaines, je trouve en général le moyen de partir avant la nuit pour trouver un parking au calme à quelques kilomètres ou dizaines de kilomètres de là.

Mais cela ne résout pas tout. En effet, ces parkings au calme en périphérie des grandes villes possèdent des caractéristiques particulièrement adaptées à différents types d’activités bien spécifiques et souvent illégales : la vente de drogue et la prostitution. Si les habitués du coin font leurs affaires généralement sans nous déranger, c’est plutôt nous qui sommes mal à l’aise de la situation et qui avons du mal à dormir à cause du défilement quasi continuel des voitures des clients tout au long de la nuit.

Anecdote

Il m’est arrivé de me faire accoster par des clients qui demandaient le prix d’une passe alors que j’avais la fenêtre de mon camion ouverte, profitant d’un moment de calme avant d’aller dormir. Je vous avoue qu’à ce moment-là, non seulement j’étais mal à l’aise et énervée, mais j’étais surtout heureuse de ne pas être seule à bord du véhicule.

Malgré cela, il m’est arrivé ponctuellement de dormir dans certains de ces endroits, toujours pour des raisons professionnelles quand mon compagnon et/ou moi devions aller travailler tôt le matin. Nous avons notamment passé pas mal de temps au bois de Vincennes à côté de Paris (l’Histoire et les histoires de ce qui se passe dans ces bois mériteraient un livre à lui tout seul).

Et au final, c’est toute une vie qui s’organise. Je me suis liée d’amitié avec une prostituée bien sympathique qui surveillait mon camion pendant ses heures de travail. Elle m’a indiqué quelques règles qu’il fallait que nous suivions pour ne pas être embêtés. Les habitués des jeux de cartes nous reconnaissaient et, de notre côté, nous sourions face au va-et-vient des promeneurs de chiens professionnels qui amenaient gambader les compagnons des Parisiens.

Nous ne sommes pas restés suffisamment longtemps pour rentrer concrètement dans l’harmonie du lieu mais cela avait son côté sympathique et solidaire. Au final, le plus désagréable n’était pas les prostituées, les passants, ni même les clients ou les voitures qui passaient à côté du camion en klaxonnant. C’était les agents de la force publique qui nous mettaient des amendes injustifiées car, politiquement, la mairie de Paris ne souhaite pas que des gens en camion vivent dans le bois de Vincennes. Payer 135 € à chaque passage, d’autant que nous n’outrepassions aucune règle, cela coûtait un peu cher…

Il n’est pas toujours malin de s’installer près d’une rivière quand la pluie menace…

Attention aux intempéries

Être nomade, c’est pratique, mais cela signifie aussi que l’on connaît en général assez peu les endroits où nous allons nous installer. Il est utile d’avoir en tête le fait que la nature peut changer très rapidement, et que des endroits très agréables peuvent devenir un véritable enfer en cas d’intempéries. Au printemps et à l’automne, faites attention aux bords de rivières et aux zones inondables, surtout dans le Sud de la France et dans les Cévennes, bien connus pour leurs pluies diluviennes. Des amis se sont déjà retrouvés à devoir évacuer leur camion en urgence car il prenait l’eau, et se sont retrouvés bien embêtés une fois la tempête passée pour réparer leur moteur qui avait été noyé.

La montagne en hiver peut également être dangereuse si vous vous retrouvez sous la neige sur des routes escarpées alors que les chasse-neige ne passent pas dans les environs.

Au-delà de ces cas extrêmes, chacun a sa manière de vivre les intempéries. Les premières pluies qui tombent sur la tôle en la faisant résonner empêchent souvent de dormir, mais peu à peu, elles sont devenues pour moi des compagnes rassurantes qui me bercent. Il en est de même pour le vent qui fait tanguer le camion comme si je dormais sur un bateau. Je me souviens d’une tempête au bord de la mer où j’avais très peur que le camion se renverse sur le côté. J’ai compris avec le temps qu’il est quand même très peu probable que cela arrive un jour…

La peur d’être isolé

Vous l’avez compris, j’aime les petits coins en pleine nature où l’on peut être seul (ou presque). Je me suis vite rendu compte que le fait d’être seul fait souvent peur. Les commentaires de ce type de lieux sont souvent les suivants : « trop isolé », « difficile d’accès ». Des commentaires négatifs qui sont, pour moi, bon signe.

La peur est quelque chose de complexe, je suis loin d’être une spécialiste de la question. Je sais que je suis quelqu’un qui a à la fois eu l’opportunité de combattre ses peurs et sans doute aussi la chance de ne pas vivre d’expériences traumatisantes. Je ne peux donner mon retour d’expérience que dans ce cadre-là.

Malgré cela, je crois que j’ai eu peur quand j’ai débuté en camion. Peur de ce qui peut arriver si je suis seule dans les bois ou dans un coin de nature. À cause des imaginaires collectifs. Un soir, j’ai regardé un film d’horreur qui se passe dans une grande maison isolée. Il s’y passait des choses horribles. Quand j’ai eu terminé, je me sentais totalement en insécurité. Je n’étais pas seule, mais j’avais peur que quelqu’un arrive avec des mauvaises intentions. Comment réagir ? Quoi faire ? Il m’a fallu plusieurs jours pour oublier ce sentiment et retrouver mon insouciance.

Pour se sentir en sécurité, il est nécessaire de croire qu’il est peu probable qu’on nous fasse du mal. Nos expériences et les discussions que l’on a avec d’autres participent à créer cet imaginaire, positif ou négatif. Personnellement, je crois qu’il est peu probable qu’il m’arrive quelque chose. À tort ou à raison. Le fait qu’il ne me soit rien arrivé en 9 ans de route facilite ma confiance.

Je ne suis pas partie seule sur les routes. Nous étions deux. En étant accompagnée, j’ai pu m’habituer aux endroits déserts. J’ai pu observer qu’il ne nous arrivait rien. Que les gens n’osaient pas regarder par la fenêtre pour savoir s’il y avait quelqu’un à l’intérieur. Que les gens n’essayaient pas d’ouvrir la porte quand nous dormions. C’est devenu une habitude. Je ne me pose plus de questions. Et je réagirais très mal si quelqu’un avait l’un ou l’autre de ces comportements.

Je me dis que s’ils n’essayent pas, cela signifie qu’ils ne peuvent pas savoir ce qui se passe à l’intérieur. Et donc que je suis en sécurité. Chacun ses astuces pour créer ce sentiment de sécurité. Certains le renforceront grâce à la présence d’un chien, d’une bombe lacrymogène, d’une alarme. D’autres préfèrent dormir à proximité des maisons pour qu’ils puissent être entendus s’il arrive quelque chose. Nombreux sont ceux qui se sentent rassurés par la possibilité d’avoir accès à la cabine pour pouvoir démarrer sans sortir du véhicule. Et au-delà des moyens matériels, il y a aussi des endroits qui ne donnent pas confiance pour une raison x ou y. De mon côté, j’évite insciemment les lieux où je ne me sens pas à l’aise : les villes et leurs abords. J’ai la croyance que je suis plus en sécurité loin des autres êtres humains que proche d’eux. Alors je m’éloigne.

Si la plupart d’entre nous partent vivre en camion, c’est pour se sentir libre. Alors pourquoi devrions-nous nous forcer ? Le plus important est de se sentir à l’aise. Si quelqu’un se sent mieux en pleine nature, qu’il y aille. S’il se sent plus en sécurité entouré de camping-caristes, dans un camping ou chez des amis, qu’il y aille également. Il sera toujours possible de tenter d’autres expériences en se sentant en sécurité à l’occasion d’une virée entre amis ou avec d’autres nomades. Prendre le temps, y aller progressivement. Il est fort probable que la confiance vienne peu à peu et qu’un jour, on ose passer une nuit seul dans la nature. Puis une autre, et peut-être encore une autre…

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